Avant de montrer comment comptabiliser une fusion nous allons commencer par définir des termes essentiels.
La fusion se définit comme le fait pour une ou plusieurs sociétés de transmettre son patrimoine à une autre société.
Il existe deux types de fusion :
- la fusion création lorsque le patrimoine transmit est transmit à une nouvelle société, créée pour l’occasion.
- fusion absorption lorsque le patrimoine transmit est transmit à une société existante avant même l’opération de restructuration.
Nous nous intéresserons dans cet article plus particulièrement à la fusion absorption.
Comptabiliser une fusion absorption : 3 étapes
Afin de bien comprendre les opérations de comptabilisation qui vont suivre il est important de connaître l’article 210 A du CGI.
Cet article développe l’aspect fiscal des opérations de fusion. Il existe en effet un régime de faveur pour les fusions de sociétés imposés à l’IS. Ce régime permet d’exonérer l’ensemble des plus values issues de l’apport du patrimoine de l’absorbée. Ce régime repose donc sur le fait que la fusion est simplement une opération intercalaire et que l’absorbante reprend l’activité de la société absorbée.
Toutefois pour être applicable ce régime repose sur certaines conditions :
- L’absorbante reprenne à son passif les provisions dont l’imposition est différée (provisions réglementées en général) ainsi que la réserve spéciale de plus value à long terme de la société absorbée.
- absorbante en cas de cession ultérieure d’immobilisations non amortissables apportées lors de la fusion : la plus value éventuelle est calculée d’après la valeur que l’immobilisation non amortissable avait du point de vu fiscal dans les écritures de la société absorbée.
- L’absorbante reprenne dans ses bénéfices imposables à venir les plus values sur biens amortissables dégagées lors de la fusion. Ces plus values sont repris sur 5 ans pour les biens meubles et 15 ans pour les biens immeubles.
1 : La parité d’échange
Lors d’une fusion absorption la société absorbée va apporter son patrimoine. Il va donc être nécessaire en contrepartie que la société absorbante augmente son capital afin de rémunérer les actionnaires de la société absorbée.
Et la parité d’échange va nous permettre de calculer le nombre de titres/actions que la société absorbante doit échanger en contrepartie du patrimoine transmit par la société absorbée.
Pour définir cette parité d’échange il est nécessaire de calculer la valeur réelle de la société absorbante et absorbée.
Comment calculons nous la valeur réelle ?
Comptablement la valeur réelle correspond à l’actif net comptable corrigé soit le montant qu’il serait nécessaire d’investir pour acquérir l’ensemble des éléments composant la société.
Nous pouvons calculer la valeur réelle de cette manière : Actif évalué à la valeur réelle – Passif réel (hors capitaux propres) sans oublier la fiscalité différée.
En effet comme nous l’avons évoqué précédemment il existe un régime de faveur en cas de fusion. Ce régime permet de s’exonérer des plus values issues de l’apport. Cependant il s’agit en réalité d’une exonération partielle.
En cas d’application de ce régime l’absorbante doit reprendre les provisions réglementées ainsi que les plus values sur biens amortissables issues de l’apport. Il y a donc une fiscalité différée. L’absorbante lors de l’apport acquiert également une dette fiscal puisqu’elle doit reprendre les éléments vu ci-dessus.
Une fois que nous avons calculé les valeurs réelles de la société absorbante et absorbée :
Nous obtenons la parité d’échange par ce calcul : valeur d’une action chez l’absorbée/ valeur d’une action chez l’absorbante.
Il est possible que la parité ne tombe pas sur un chiffre entier. Dans ce cas une soulte est versée en plus de parts/actions.
NB : Cette soulte ne peut pas dépasser 10% de la valeur nominale des parts/actions attribuées. Cette soulte est limité du fait que quand il y a échange de titres il n’y a pas d’imposition de la plus value.
2 : Le nombre d’actions à créer
Maintenant que nous connaissons la parité d’échange il est nécessaire de définir le nombre d’actions que la société absorbante doit créer pour pouvoir absorber la société absorbée.
Pour cela le calcul est le suivant : Nombre d’actions formant le capital de l’absorbée * la parité d’échange calculé.
3 : Évaluation de l’apport
Valorisation des apports/Contrôle | Valeur Comptable | Valeur Réelle |
Opérations sous contrôle commun | OUI | NON |
Opérations sous contrôle distinct : | ||
à l’envers | OUI | NON |
à l’endroit | NON | OUI |
L’article 743-1 du PCG (voir ci-dessus) fixe ensuite la méthode d’évaluation des apports.
Les apports sont évalués à la valeur comptable sauf dans le cas où la fusion s’effectue à l’endroit et entre sociétés sous contrôle distinct. Dans ce nous allons comptabilisé la fusion à la valeur réelle des apports.
Fusion à l’endroit : il s’agit d’une fusion où la société bénéficiaire des apports (l’absorbante) détient toujours le contrôle de sa société à la suite de la fusion (même après avoir échangé des parts sociales en contrepartie des apports).
Contrôle distinct : l’une des sociétés concernées par l’opération de fusion ne contrôle pas une autre société concernée. On parle bien ici de contrôle et pas de simple participations ou titres.
Comptabiliser une fusion : cas pratique
Nous allons étudier dans ce cas une fusion absorption dans laquelle l’absorbante ne possède pas préalablement de titre de l’absorbée. Ce type de fusion est un petit peu plus complexe car un boni ou mali de fusion peut apparaître. Nous traiterons ce type de fusion à part dans un prochain article.
La société X absorbe la société Y. Il n’y a aucun lien entre ces deux entités. L’opération de fusion est placée sous le régime fiscal de faveur.
Société X :
La valeur réelle de l’action X est de 1532 € tandis que sa valeur nominale est de 1000 € avec un capital de 10000 €.
Société Y :
Voici le bilan de la société Y
Actif | Brut | Amort/Dépréc | Net | Passif | |
Immo. Incorporelle (non amort) | 1000 | 200 | 800 | Capital (10 actions) | 4000 |
Immo. Corporelles | 5000 | 600 | 4400 | Réserves | 200 |
Stocks | 500 | 500 | RAN | 100 | |
Clients | 700 | 700 | Provisions réglementées | 100 | |
Disponibilités | 300 | 300 | Dettes | 2300 | |
Total | 6700 | 6700 |
Valeurs réelles | |
Immo. Incorporelle (non amort) | 2000 |
Immo. Corporelles | 7000 |
Stocks | 800 |
Pour le reste valeur réelle = valeur comptable
Etape 1 :
Nous allons donc dans un premier temps calculer les valeurs réelles des actions X et Y afin de déterminer la parité d’échange. Nous avons déjà la valeur réelle de l’action X : 1532 €
Pour Y la valeur réelle de l’action s’obtient par le calcul de l’actif net corrigé soit :
2000+7000+800+700+300-2300 (valeurs réelles) – 840 (la fiscalité différée sur les plus values et provisions réglementées à l’exclusion de la plus value sur immobilisation non amortissable du fait du régime de faveur que nous avons expliqué ci-dessus).
= 7660 €
Détail de la fiscalité différée :
Valeur | Réelle | VNC | Plus value | Repris prov |
Immo. Corporelles | 7000 | 4400 | 2600 | |
Stocks | 800 | 500 | 300 | |
Provision réglementée | 100 | |||
Total | 2900 | 100 |
La valeur de l’action est donc de 7660/10 (nombre d’action) = 766 €/ action
La parité d’échange est donc 766/1532= 1/2 soit une action X contre deux actions Y.
Etape 2 :
Le nombre d’action à créer par X pour absorber Y est de 1/2*10(nombre d’actions de l’absorbée)=5 actions X contre la société Y.
Etape 3 :
Nous sommes ici dans le cas d’un apport à la valeur réelle puisque la fusion se fait à l’endroit entre sociétés sous contrôle distinct.
Nous allons donc comptabiliser les écritures suivantes.
Dans la société absorbante X :
456 | Société Y | 7660 | |
101 | Capital (actions crées*valeur nominale absorbante) | 5000 | |
1042 | Prime de fusion (par différence) | 2660 |
20 | Immo. Incorporelles | 2000 | |
21 | Immo. Corporelles | 7000 | |
3 | Stocks | 800 | |
411 | Clients | 700 | |
5 | Disponibilités | 300 | |
4 | Dettes | 2300 | |
155 | Provision pour impôt | 840 | |
456 | Société Y | 7660 |
1042 | Repris prov sur prime fusion | 62 | |
14 | Prov réglementée | 100 | |
155 | reprise prov impot | 28 |
(reprise de la provision réglementée du fait du régime de faveur vu ci-desus)
Dans la société absorbée Y :
20 | Immo. Incorporelles | 800 | |
21 | Immo. Corporelles | 4400 | |
3 | Stocks | 500 | |
411 | Clients | 700 | |
5 | Disponibilités | 300 | |
125 | Résultat de fusion | 3260 | |
4 | Dettes | 2300 | |
456 | Société Y | 7660 |
456 | Société Y | 7660 | |
101 | Capital | 4000 | |
11 | Réserves | 200 | |
11 | RAN | 100 | |
14 | Prov réglementée | 100 | |
125 | Résultat de fusion | 3260 |
7 commentaires
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